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dimanche 19 juin 2011

T’es clean ?


Une marque de gel douche essaie de vendre sa soupe avec ce slogan : "Plus t’es clean et moins elles le sont", ce qui n’a pas manqué de me laisser perplexe. Pendant que les hommes se lavent et se parfument, les femmes trichent, mentent, bourrent les urnes et piquent des sous dans la caisse… Meuh non ! Ce n’est pas ce qu’on cherche à nous dire, mais plutôt : quand la femme fait ce que l’homme attend d’elle, c’est-à-dire se déshabiller et s’offrir à lui, elle devient une pas-propre et une s…. pe, contradiction que je n’ai jamais vraiment réussi à comprendre. Qu’on montre une femme nue pour vendre un produit aux hommes, c’est vieux comme le monde, mais là, c’est carrément incompréhensible. De plus, en tant que femme, je n’ai aucune envie d’acheter ce produit qui, de toute façon, ne m’est pas destiné.

Ce n’est qu’une fois qu’on voit la même publicité en anglais ou en allemand qu’on comprend le message et qu’on se rend compte de l’ampleur du désastre. Les campagnes d’affichage coûtant cher, il vaudrait la peine d’investir dans une traduction valable. En effet, n’importe quel francophone vous dira que "pas clean" n’évoque rien de coquin ou de hot. Il suffit de faire une petite recherche google avec ces mots pour trouver: Interface admin pas clean (pas du pur https); pot d’échappement pas clean (rouille/oxydation); c’est vieux et pas clean (critique d’un hôtel à Cherbourg); Sarkozy n’est pas clean! (il devrait sans doute changer de gel douche); la Rom des apple macintosh est elle Clean ou pas Clean ? etc…

La publicité en question nous montre un jeune homme, ni beau ni laid, qui se lave à la plage avec le fameux gel douche. Quand il se retourne (version abrégée), il est entouré de charmantes jeunes filles topless et souriantes qui se couvrent de leurs mains. Des filles pas clean, quoi… En anglais, ça se termine sur: The cleaner you are, the dirtier you get et en allemand: Je sauberer du bist, desto schmutziger wird’s1), ce qui n’est pas du tout moraliste et/ou sexiste. Au contraire, toute cette mousse annonce plutôt quelque chose de piquant et d’amusant. En français, la fille attirée par le parfum sauvage et envoûtant de l’homme est forcément sale et pas nette. En un mot: une traînée. Décidément, il y a encore du pain sur la planche.


A noter qu’il existe deux versions à l’histoire: dans l’une, les filles, qu’on voit de dos, suivent le geste du garçon et font “haut les mains”; dans l’autre, elles font non de la tête, l’air de dire “bien essayé!”

On connaissait déjà l’effet Impulse – Si un inconnu vous offre des fleurs – avec des hommes parfaitement propres et nets, bien sûr. On s’adresse aux femmes sur le mode romantique, alors qu’un produit qui vise le sexe dit fort tapera forcément en-dessous de la ceinture. Ils n’en n’ont pas un peu marre de passer pour des obsédés bas-du-front? Cela dit, les publicités cochonnes peuvent être très drôles, pour autant qu’elles renonçent aux vieux clichés du type maman ou putain. Par exemple:



Commentaire sous la vidéo: What sort of building is this where there live only models, nerds and gay bikers ?

Ou encore la version Guerre du Feu, sur le requiem de Jenkins :


Et la parodie – on n’attrappe pas les mouches avec du vinaigre:


Cela dit, le sexisme dans la publicité n’est pas loin de dépérir. Ces temps-ci, une publicité pour de la téléphonie mobile présente les femmes commes des gourdes qui ne comprennent rien au foot, connaissance essentielle que ne peuvent maîtriser que les hommes. Ah! Que ferions-nous sans eux? J’avoue ne pas connaître la règle du hors-jeu, mais ça ne me paraît pas vraiment indispensable. Un footeux pourrait-il alors m’expliquer pourquoi la BCE relève ses taux directeurs pour lutter contre la chute de l’euro? A moins que ce ne soit l’inflation? Ou alors les radicaux libres?


Autrefois, les femmes attendaient que leurs chevaliers reviennent des croisades, maintenant, les pauvrettes doivent attendre la fin du match... A quand des publicités montrant des femmes castratrices pour vendre des rasoirs? A mon avis, ce n'est pas pour demain. Ni après-demain...


Un excellent article sur le sujet:

http://www.ventscontraires.net/article.cfm/4413_transpire_en_pire.html


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1) plus tu deviens propre et plus tu deviens cochon (en anglais); ... et plus ça devient cochon (en allemand)

mardi 14 juin 2011

La forme, pas les formes!


La quarantaine bien entamée, j’ai ressenti le besoin, comme Jane Fonda, de me prendre en main avant de commencer à ressembler à une reine des termites. C’est ainsi que je me suis inscrite à un cours d’abdo-fessiers pour prévenir la cellulite galopante, notre talon d’Achille à nous les femmes. Les cours portent des noms rigolos, tels que Bye-Bye Cellulite, Body Pump ou Bikini Body et les mouvements sont, à peu de choses près, toujours les mêmes: squats, fonts, crunches, step touch, grapevine, V-step ou encore knee up. Mais il y a aussi talon-fesses, gainage, pompes et les frangins biceps et triceps.

Il me semble que je m’y suis mise au bon moment, ni trop tôt ni trop tard. J’ai toujours été très active, mais j’avais laissé tomber l’équitation et le flamenco et il fallait bien les remplacer par quelque chose. Le pilates et le yoga me paraissaient trop soft, c’est pourquoi j’ai opté pour cet ersatz de danse sur des rythmes disco. Et mon dieu que ça fait du bien! Le fait de sentir mon corps fonctionner et bouger me rassure face aux ravages inexorables des ans. Sans tomber dans les excès de type botox, lifting ou liposuccion, on peut tout de même essayer de mettre quelques atouts de son côté. Non seulement je lutte contre la cellulite et l’avachissement généralisé, mais l’exercice chasse la déprime, prévient le cancer et permet aussi de lutter contre l’ostéoporose. Alors pourquoi s’en priver?

Il est amusant de constater une parfaite ségrégation entre les sexes quand il s’agit d’entretenir son enveloppe mortelle: il y a quasi-exclusivement des femmes aux cours abdos-fessiers. En revanche, dans les salles de machines, avec des poids, des haltères et des machins lourds à soulever, il n’y a que des hommes.


Il vaut mieux aller dans un club de remise en forme ou suivre des cours n’importe où, même si les mouvements sont simples, toujours les mêmes et qu’on pourrait en principe faire ça tout seul à la maison, gratuitement. L’observateur attentif pourra trouver chez moi une paire de poids à mettre aux chevilles, des haltères (petites), un cercle pilates et deux DVD de gym. Il n’y a pas que l’enfer qui soit pavé de bonnes intentions. Ces achats optimistes ne mangent certes pas de pain et, qui sait, je m’en servirai peut-être un jour. Par exemple demain. Ou après-demain...

Je ne suis bien sûr pas toute seule dans les salles de fitness, d’autre gens que moi font du sport dans la République. Cependant mon entourage ne cesse de s’étonner et de s’émerveiller lorsqu’ils voient que je me déplace à vélo. Bien souvent, les petites jeunettes sont les premières à s’essouffler et à faire une pause pendant le cours de gym. J’ai souvent pensé à songer à avoir l’idée de monter chez moi à pied (5 étages), mais faut quand même pas pousser... Le jogging n’a jamais été ma tasse de thé: terriblement ennuyeux et le martèlement des pas finit par me faire mal au dos. Il me semble néanmoins que je m’active bien plus que la moyenne de mes concitoyens.

Les cabines d’essayage sont impitoyables et leur éclairage est particulièrement sadique. L’une d’entre elles m’a récemment dévoilé toute l’étendue de la cellulite qui habite mes cuisses. Oh rage! Oh! désespoir! Cependant, la presse, encore plus perfide que les néons des cabines d’essayage, nous révèle que même les stars ont des bourrelets. Et toc! Et à l’impossible nulle n’est tenue. Les célébrités ont certainement aussi la peau des bras qui pendouille, on se console comme on peut.




Il me semble qu’il y a deux façons de vieillir, physiquement s’entend: soit on devient obèse et complètement flappy ou alors on se dessèche comme un sarment de vigne. Choisis ton camp, camarade!

lundi 6 juin 2011

Bousculade lyrique


Les retransmissions en direct des représentations du Met de New York dans deux salles de cinéma de la ville remportent un franc succès. La première salle ayant très rapidement affiché complet, une deuxième salle a été ouverte. Sans qu’aucune publicité ne soit faite dans la presse ou ailleurs, tout le monde savait que les abonnements de la saison 2011-2012 seraient mis en vente le 6 juin dès 9 heures. Je m’y suis rendue pour 8h30, m’imaginant ainsi être parmi les premières à faire la queue.

Vain espoir ! Quelqu’un avait pris l’initiative de distribuer des tickets numérotés et j’ai obtenu le N° 71, ce qui n’augurait rien de bon. Plusieurs personnes étaient venues avec une chaise pliante. J’avais emporté un journal, mais j’ai retrouvé tant de collègues que c’était une précaution bien inutile. Chacun y allait de sa petite histoire, certains étaient là depuis 7h30, d’autres sont venus bien plus tôt encore. La distributrice de tickets, quant à elle, devait bien être là depuis 6h du matin. La plupart de ces mélomanes matinaux avaient les cheveux gris ou blancs, mais ils avaient néanmoins la gniaque et le courage de rester debout plusieurs heures dans l’espoir d’obtenir le précieux sésame. Malgré les tickets numérotés, tout le monde s’entassait en se serrant comme des sardines devant les guichets encore fermés. Sans les tickets, ça aurait été bien pire, mais ce système étant parfaitement informel, rien ne garantissait qu’il serait respecté ou qu’il servirait à quelque chose.

Le Metropolitan Opera de New York

Neuf heures ayant sonné, voilà que les guichets s’ouvrent enfin. On se presse, on se bouscule, personne ne comprend vraiment ce qui se passe. On croit voir que le premier acheteur prend dix abonnements, ce qui réduit évidemment d’autant les chances de tous les braves qui se sont levés au chant du coq. On en est au numéro dix, puis au numéro douze. Ça avance lentement… Cent-vingt ! Quoi, cent-vingt ? Il ne reste plus que cent-vingt places ? Ont-ils déjà vendu cent-vingt abonnements ? A raison de quatre abonnements au maximum par client, combien de billets seront partis avant qu’on n’en n’arrive au N° 71 ? Mon dieu…

Voilà déjà plus d’une heure que je poireaute, et encore : d’autres sont là depuis bien plus longtemps que moi. Et voilà qu’on découvre qu’une collègue était venue pour acheter des billets pour des séances individuelles, autrement dit, elle a bravé l’aurore pour des prunes. Nous sommes deux à nous précipiter sur son précieux N° 35 ! Et bien nous en a pris, car le N°40 est rentré bredouille….

Autrefois, ça se passait comme ça au Grand Théâtre, il fallait prendre un numéro et faire la queue. Mais à force de nous offrir des mises en scène avec des danseurs nus qui rampent dans des bunkers post-apocalyptiques, l’opéra local a fini par perdre son public qui le boude. Ils offrent toutes sortes de promotions et de formules spéciales, mais leurs abonnements n’ont décidément plus la cote. Les représentations du Metropolitan Opera de New York sont classiques sans être poussièreuses, mais ne reculent pas pour autant devant la modernité. Leurs sponsors privés n’accepteraient certainement pas les réinterprétations abracadabrantesques, où des gentilhommes portent des imperméables gris en haillons. Et les chanteurs sont bien sûr du plus haut niveau. Au cinéma, on y accède pour 40,-, coupe de champagne incluse. Que demande le peuple ?



Juan Diego Florez dans le Comte Ory de Rossini

Au vu de l’immense succès de ces représentations, il vaudrait la peine d’ouvrir une troisième salle. Elle se remplirait immédiatement. Les théâtres de la place constatent également un certain désamour de leurs abonnés. Etrangement, ils attribuent ce comportement à la crise ou à un changement d’habitudes du public. Il ne leur vient pas à l’idée de se demander si cela pourrait être lié à la qualité – or lack thereof – de leurs spectacles.

Que les laissés-pour-compte se consolent toutefois : des billets pour des séances individuelles seront mis en vente dès le mois d’août. A vos marques ! Prêts ? Départ !


Deborah Voigt dans la Walkyrie de Wagner

http://www.metoperafamily.org/metopera/broadcast/hd_events_next.aspx
et le Gaumont à Archamps (en plus, c'est moins cher...!)

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Dans la Tribune de Genève du 9 juin 2011:
Réveil à l’aube et grogne pour des fanas d’opéras
Pour s’assurer une place lors de la rediffusion des opéras du MET de New York, il fallait se lever très tôt lundi

 Laure Gabus | 08.06.2011 | 22:29

«Ma santé ne me permettait pas de venir plus tôt, quelqu’un a fait la queue pour moi depuis 4 heures du matin. Je suis arrivé à 7 heures», explique Freddy Martell, 76 ans. Comme lui, une centaine d’amateurs d’opéras ont fait le pied de grue dès l’aube devant les guichets des cinémas Pathé Balexert et Rex, les deux points de vente d’abonnements pour la retransmission des opéras du MET de New York.

Les guichets ont ouvert à 9 heures lundi matin et les 600 abonnements se sont envolés immédiatement. Freddy n’a pu en acheter que quatre, le maximum. Mais beaucoup n’ont pas eu cette chance et sont rentrés bredouilles. Les déçus pourront tenter d’acquérir l’une des 150 places individuelles disponibles à chaque rediffusion, mais devront attendre le mois d’août.

Depuis trois ans, Pathé diffuse toute la saison des opéras new- yorkais en direct, d’octobre à avril. Les projections connaissent «un très grand succès», reconnaît Brian Jones, directeur général de Pathé Suisse, et ce «surtout chez les personnes en âge de la retraite». Face à l’importante demande, la société a ouvert une nouvelle salle, l’année dernière aux cinémas Rex.

Freddy Martell déplore la vente aux guichets. «Nous sommes fâchés contre Pathé et fatigués», explique-t-il. L’actif retraité rêve d’un système d’achat d’abonnement semblable à celui du Victoria Hall où il est possible de garder les mêmes places d’une année à l’autre. Pathé ne souhaite pas instaurer un tel système «afin de permettre à tout le monde d’avoir une chance d’acheter un abonnement chaque année», explique Brian Jones.

Et pourquoi ne pas opter pour un système d’achat par Internet? «Une grande partie de nos spectateurs n’ont pas d’ordinateur à la maison ou ne sont pas habitués à acheter par Internet», explique Brian Jones. «Quel que soit le système, la demande sera toujours plus élevée que l’offre, résume Teodor Teodorescu, directeur de Pathé Suisse romande. Il y aura toujours des déçus.» Et donc des lève-tôt.
Et ma lettre au courrier des lecteurs du même journal, 10.6.2011:

Sans qu’aucune publicité ne soit faite dans la presse ou à la radio, un nombre considérable de mélomanes se sont levés à l’aube lundi dernier pour faire la queue en vue d’obtenir l’abonnement 2011-2012 du Metropolitan Opera de New York, diffusées en direct et en HD dans les cinémas Pathé. Quelqu’un avait pris l’initiative de distribuer des numéros, afin d’éviter un carnage et une bousculade au portillon qui aurait pu mal se terminer. Deux salles, le Rex et Balexert, affichaient complet en une heure! Il reste cependant un quota de places à vendre à la pièce, dès le mois d’août où ce sera rebelote, avec la chaise pliante dès 7h du matin. Autrefois, c’était au Grand Théâtre qu’on se bousculait de la sorte. Je le fréquente aussi et j’y ai vu de très beaux spectacles, mais c’est toujours un peu la loterie, on ne sait pas sur quoi on va tomber. Musicalement, c’est toujours au-dessus de tout reproche, c’est la mise en scène qui est souvent du grand n’importe quoi. Pourquoi ne pas ouvrir une ou deux salles disponibles à Genève pour les rediffusions en direct du Met de New York? Je songe à l’auditorium Arditti ou à l’Uptown pour ce qui est des salles actives, sinon, il y aurait encore le Plaza, le Broadway ou l’ABC, qui sont probablement complètement bouffées par les mites à l’heure qu’il est. Pour l'opéra au cinéma voir: http://www.pathe.ch/cinema/geneve/cine_opera.php

mercredi 1 juin 2011

Sifflons dans la nuit !


Pour bien faire son travail, l’interprète doit bien maîtriser ses langues. Il doit connaître les différents niveaux de langue (argotique, familier, rhétorique), les termes courants dans divers domaines (comptabilité, droit, schiste bitumineux ou pêche au chalut), ne pas être désarçonné par les accents des orateurs (indo-pakistanais, écossais, québequois, cubain, australien) et savoir manier la paraphrase au cas où le sens du discours ou le mot juste lui échapperait.

Mais ça ne suffit de loin pas. Il faut aussi savoir qui est celui qui parle, à qui il s’adresse et dans quel but ; savoir d’où il vient (Somalie ou Etats-Unis), connaître son orientation politique (militant de Greenpeace ou représentant du FMI, intellectuel de gauche ou monarchiste) et pressentir quel est le message qu’il veut faire passer. Tous ces éléments forment une sorte d’équation ou de recette de cuisine qui font que le résultat qui sortira du micro sera réussi ou raté : un accent marqué, un discours lu trop vite et un micro détourné de l’orateur et vous aurez un gâteau brûlé ou trop salé ; un discours cohérent, prononcé dans la langue maternelle de l’intervenant sur un sujet connu et l’interprète pourra faire briller tout son talent, en choisissant de belles tournures, agrémentées de termes triés sur le volet. Notre métier nous contraint pourtant à avaler des couleuvres et à apprendre l’humilité, même si on sait qu’à l’impossible nul n’est tenu. Dans quel autre métier doit-on se contenter d’un travail fait "au mieux", tout simplement parce que les conditions ne sont que rarement réunies pour nous permettre de fournir un produit correct ?

Récemment, la séance plénière du Parlement européen débattait des conclusions du Conseil européen tenu le mois précédent. Il y était question du sauvetage de l’euro, de création d’emplois, de tests de résistance des centrales nucléaires, rien que des thèmes courants traités quotidiennement dans la presse. Et voilà qu’un député britannique appartenant au groupe ELD1) prend la parole en disant : "Mr President, I would like to go back to the matter of Libya if I may." Il n’était pas, à proprement parler, hors sujet, le printemps arabe et Lampedusa ayant également été régulièrement évoqués par les eurodéputés. C’est toutefois suffisant pour désarçonner l’interprète. Rappelez-vous qu’au moment où un délégué ouvre la bouche, nul ne sait ce qui va en sortir. Et voilà que Monsieur Godfrey Bloom, car c’est son nom, enchaîne les images, les piques sarcastiques, les tournures britanniques à l’extrême, donc intraduisibles. Le coup de grâce a été : the British Prime Minister… is nothing but a superannuated schoolboy whistling in the dark. Nous avons aussi eu droit à the chickens have now come home to roost et a homicidal baboon, s’agissant de Robert Mugabe. Tout cela, en une minute et demie. Une fois le micro fermé, il ne vous reste plus qu’à vous demander ce qui vient de vous arriver, ce que vous avez fait au bon dieu pour mériter ça et surtout : quel rapport avec la choucroute ?


En réalité, un orateur comme celui-là se fiche pas mal d’être compris du citoyen portugais ou slovaque auquel il est pourtant censé s’adresser. Les débats du Parlement européen sont publics et accessibles en webcasting. Dans le cas d’espèce, le but de l’exercice était de se faire remarquer par sa circonscription et par la presse britannique, et de créer un buzz : le jour même, son intervention était sur YouTube 2).

Nous sommes de véritables caméléons et nous interprétons tous les discours, qu’ils soient prononcés par des hommes ou des femmes, des jeunes, des vieux, des fachos, des gauchos, des végétariens, des militaristes, des Témoins de Jéhovah, des personnages politiques ou des nobodys. Pendant que le micro est ouvert, nous devenons quelqu’un d’autre, nous sommes émus, nous nous indignons, nous haranguons, nous félicitons, nous insultons, nous souhaitons la bienvenue, nous observons une minute de silence, nous nous faisons conciliants et invoquons les statuts ou le règlement. Peu importe que le discours soit technique et rapide, nous demandons simplement qu’il soit cohérent et oralisé. C’est alors que nous pouvons mettre tout notre savoir-faire au service de la communication internationale.


L’anecdote ci-dessus m’a toutefois ébranlée. Vingt ans d’expérience professionnelle au compteur et je me suis retrouvée à faire des bulles comme un poisson dans un aquarium. Disons que j’ai sauvé les meubles. Malgré une quarantaine d’années de pratique de l’anglais, que je me targue pourtant de bien connaître, j’ai appris une expression que je n’avais encore jamais rencontrée auparavant : to whistle in the dark, c’est-à-dire être optimiste et gai alors qu’il n’y a aucune raison de l’être. Pourtant, au cours de la même séance, nous avons entendu : Wir haben alles im Griff, auf dem sinkenden Schiff et Tout va bien, Madame la Marquise, qui offrent de bonnes équivalences.

Décidément, les langues sont un océan insondable et une vie entière ne suffit pas à les découvrir entièrement.


Godfrey Bloom, on behalf of the EFD Group.

Mr President, I would like to go back to the matter of Libya if I may.

When did the political class and the great and the good suddenly catch up with the fact that Colonel Gaddafi is an evil man? When, since that wonderful photograph with you embracing him, Mr President, did you suddenly come to realise that he was a “wrong’un”?

I can tell you that the victims of Lockerbie in Scotland and the victims of IRA atrocities in my country knew very well what sort of scoundrel this man was. But he has got oil and he has got money so you all turned a blind eye, didn’t you?

Well, the chickens have come home to roost. The most absurd figure in all this is the British Prime Minister, who stands there rattling his empty scabbard – having disestablished the Royal Navy, having disestablished the Royal Air Force – making threats from the sidelines, with no aircraft carriers, nothing, and calls himself a Conservative but is just a superannuated schoolboy whistling in the dark.

We talk a great deal about violence against the people, we talk a lot about democracy. And yet we have had a homicidal baboon in Zimbabwe for years now, and we do not do anything about it, do we? We do not care because there is no money and there is no oil. That is so typical of this place: full of hypocrisy and humbug.
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Discours prononcé dans l'hémicycle du Parlement européen le 5 avril 2011

Les transcriptions des interventions des eurodéputés sont disponibles sur
www.europarl.europa.eu quelques jours après qu’elles ont été prononcées. Il y a de pauvres diables qui font ce travail-là. Les traductions suivent, mais bien plus tard.________________________________________
1) Groupe Europe libertés démocratie (droite)
2)

Texte paru dans la revue Hieronymus, www.astti.ch , juin 2011

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Traduction de l'intervention de M. Godfrey Bloom par les services du Parlement européen:


Godfrey Bloom,
au nom du groupe EFD. (EN) Monsieur le Président, je voudrais revenir sur la Libye, si vous me le permettez.
Quand la classe politique et les grands de ce monde ont-ils subitement compris que le colonel Kadhafi était un homme malfaisant? Quand, depuis cette merveilleuse photographie de votre accolade, Monsieur le Président, vous êtes-vous rendu compte que c’était un «sale type»?
Je peux vous dire que les victimes de Lockerbie en Écosse et les victimes des atrocités de l’IRA dans mon pays savaient très bien quel genre de fripouille était cet homme. Mais il a du pétrole et il a de l’argent, alors vous avez tous fermé les yeux, n’est-ce pas?
Eh bien, cela se retourne à présent contre nous. Le plus absurde dans tout cela, c’est le Premier ministre britannique, qui est là à agiter son fourreau vide, ayant séparé la Royal Navy et la Royal Air Force de l’État, et à proférer des menaces depuis les coulisses, sans porte-avions, sans rien, et qui se dit conservateur, mais n’est en fait qu’un écolier ringard qui tente de se donner du courage.
Nous parlons beaucoup de la violence à l’encontre de la population, nous parlons beaucoup de démocratie. Et pourtant, nous avons un babouin meurtrier au Zimbabwe depuis des années maintenant, et nous ne faisons rien pour y remédier, n’est-ce pas? Nous nous en fichons, parce qu’il n’y a ni argent ni pétrole. C’est si typique de cette Assemblée: pleine d’hypocrisie et de fumisterie.